Le jour "G"

Publié le par Père Jonathan

Le jour "G", c'est le jour où, avant de me coucher, j'ai écrit dans mon carnet : "je suis gay." Enfin c'était plutôt au milieu de la nuit. J'étais déjà séminariste depuis quelques années.

Le matin même, j'aurais sans doute écrit, plutôt : je suis hétéro. Ah oui, parfois je mate des beaux mecs sur internet ; ah oui, je me suis renseigné sur internet pour savoir comment deux hommes peuvent coucher ensemble et ça m'a l'air sympa ; ah oui, je ne parle jamais de sexualité... mais je suis hétéro. Comme quoi le refoulement, ça existe !

Mais ce soir là, j'ai fait un tour sur l'internet, pour mater quelques belles photos (genre mec bronzé et musclé en slip de bain, mais pas le genre de photo trash). Et il y avait une pub, qui disait "are you gay.com ?" C'était évidemment un jeu de mots entre la question "are you gay ?" et le nom du site "gay.com". La pub, juste ces mots, me fascine, je ne vois plus que ça... et JE CLIQUE, dans un état second. Je visite un peu le site (aucun souvenir, d'ailleurs, ne me reste du site). Puis, en colère, j'éteins l'ordinateur, je fais le noir dans ma chambre, je prie.

Peu à peu ma prière monte, de plus en plus forte, de plus en plus violente, pour crier au Seigneur : "Seigneur, je ne veux pas être gay." Et en criant de plus en plus, je m'enfonce dans le silence de Dieu, dans cette nuit dont l'obscurité était tangible, envahissante. Jusqu'au moment, où après un silence gigantesque, ou plutôt plongé dans ce néant noir et profond, je murmure :"je suis gay." Et je trouve la paix.

Je repense, en écrivant cela, au combat de Jacob (allez lire : Genèse 32, 25-33) J'ai l'impression de ne jamais m'être approché de Dieu avec une telle violence que ce jour-là. Et si la Croix c'est en même temps el déchirement et l'unité, la parole et le silence, la peur et la confiance, l'amour dans ses contradictions, là, ce jour là, j'y ai été.

C'est comme s'il y avait eu une peur immense en moi, la peur de dire "je suis gay", et que cette peur avait tout d'un coup disparu. Evidemment, cette peur ne prenait pas la parole, ç'aurait été trop facile ! C'était un interdit, interdit de regarder là dans ma vie, dans mon désir, interdit sans nom. J'aurais voulu, ce soir là, que Dieu chasse ce que je craignais qu'il y ait à voir. Il a chassé la peur de voir - et ce qu'il y avait à voir n'était pas du tout terrifiant, bien au contraire.

C'est étonnant comme ce jour, ce "jour G", a changé ma vie. J'ai toujours eu peur, avant, de toutes les rencontres... je connaissais bien les réflexes mondains, et ça m'aidait bien pour qu'on ne me connaisse jamais vraiment. Parce que, je le comprends maintenant, j'avais peur qu'un autre nomme, avant moi, le secret que je portais. Depuis, tout a changé - et l'amitié a une grande place dans ma vie, les joies simples d'aller se ballader, ou de boire une bière ensemble, c'est l'amitié, se connaître, et c'est bon.

Dans ma mémorie, il y a surtout un souvenir : c'est que pour parler de ce moment de nuit, la meilleure manière ce n'est pas de dire "je suis gay", mais "tu m'as libéré". Il y avait quelqu'un, et c'est devant lui que j'ai pu faire ce chemin. Ce quelqu'un, j'en suis sûr, c'est le Dieu de Jésus-Christ, c'est celui que l'Eglise m'a fait connaître et aimer. C'est lui qui fait la cohérence et le sens de ma vie. Avant d'être de telle ou telle orientation sexuelle, je suis son fils, et c'est ça qui a tout son sens dans une vie de prêtre.

Souvent je repense aussi à l'évangile de l'aveugle né, pour me souvenir de ce moment (évangile de Jean, ch 9)

En passant, Jésus vit un homme aveugle de naissance. Ses disciples lui posèrent cette question: «Rabbi, qui a péché pour qu'il soit né aveugle, lui ou ses parents?» Jésus répondit: «Ni lui, ni ses parents. Mais c'est pour que les oeuvres de Dieu se manifestent en lui! Tant qu'il fait jour, il nous faut travailler aux oeuvres de celui qui m'a envoyé: la nuit vient où personne ne peut travailler; aussi longtemps que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde.» Ayant ainsi parlé, Jésus cracha à terre, fit de la boue avec la salive et l'appliqua sur les yeux de l'aveugle; et il lui dit: «Va te laver à la piscine de Siloé» - ce qui signifie Envoyé. L'aveugle y alla, il se lava et, à son retour, il voyait.

Le combat de Jacob :
Cette même nuit, il se leva, prit ses deux femmes, ses deux servantes, ses onze enfants, et il passa le gué du Yabboq.
Il les prit et leur fit passer le torrent, puis il fit passer ce qui lui appartenait,
et Jacob resta seul. Un homme se roula avec lui dans la poussière jusqu'au lever de l'aurore.
Il vit qu'il ne pouvait l'emporter sur lui, il heurta Jacob à la courbe du fémur qui se déboîta alors qu'il roulait avec lui dans la poussière.
Il lui dit: «Laisse-moi car l'aurore s'est levée.» - «Je ne te laisserai pas, répondit-il, que tu ne m'aies béni.»
Il lui dit: «Quel est ton nom?» - «Jacob», répondit-il.
Il reprit: «On ne t'appellera plus Jacob, mais Israël, car tu as lutté avec Dieu et avec les hommes et tu l'as emporté.»
Jacob lui demanda: «De grâce, indique-moi ton nom.» - «Et pourquoi, dit-il, me demandes-tu mon nom?» Là-même, il le bénit.
Jacob appela ce lieu Peniel - c'est-à-dire Face-de-Dieu - car «j'ai vu Dieu face à face et ma vie a été sauve».
Le soleil se levait quand il passa Penouël. Il boitait de la hanche.

Publié dans Moi

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A
Merci pour ce témoignage sincère. Je ne suis pas homosexuel moi-même, mais j'ai eu l'occasion de m'intéresser au sujet pour écrire un petit roman ; s'il y a une chose que j'ai comprise, c'est que,<br /> contrairement à ce que croient beaucoup de gens, l'homosexualité, avant d'être une orientation revendiquée, est pour beaucoup une émotion non choisie à apprivoiser... Pour le chrétien, ce combat<br /> prend une forme toute particulière.
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Z
Honte à vous disciple de jésus christ, honte à vous de vous dire chrétien! Relisez plutôt l'évangile, la parole de Dieu fondée sur le respect, la tolérance, l'amour du prochain!Si vous ne faites<br /> pas partie de Civitas, j'ai peur que des gens aussi obscurantistes que vous fréquentent l'église...Ca fait peur...<br /> ps: Trop facile d'interpréter à sa sauce, l' histoire de sodome n'a rien à voir avec l'homosexualité,c'est relativement plus complexe!
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D
Monsieur,<br /> <br /> Il me semble important de vous dire que dans ma Bible (je ne sais pas si nous avons la même), il est écrit que l'on ne peut prétendre être à la fois chrétien et homosexuel. L'homosexualité est<br /> fondamentalement opposée à la foi chrétienne.<br /> A la création , Dieu a créé un homme et une femme selon qu'il est écrit dans Genèse 2:24 "C'est pourquoi un homme se séparera de son père et s'attachera à sa femme. Et les deux ne feront plus<br /> qu'un".<br /> Le modèle que Dieu a donné en ce qui concerne le couple est bien un homme et une femme ensemble dans le mariage. Il n'y avait pas d'autre options comme homme-homme ou femme-femme dans la Bible dans<br /> cette union si précieuse et si sacrée que le mariage.<br /> Lire votre Blog fait peur parce que vous semblez vouloir faire comprendre aux gens que Dieu accepte sans problème l'homosexualité chez les chrétiens. Tout dépend de ce qu'on entend par chrétien.<br /> Parce qu'il y a "chrétien" et "chrétien". Il y a le chrétien de nom seulement qui dit qu'il croit "en quelqu'un"; et il y le chrétien "converti", qui a abandonné son ancienne vie remplie de pêché,<br /> qui s'est repenti , et suivi le chemin de la sainteté et de la verité du Royaume de Dieu.<br /> Ce vrai chrétien sait que dans I Corinthiens 6:9 il est écrit: "Ne savez vous pas que ceux qui pratiquent l'injustice n'auront aucune part au Royaume de Dieu? Ne vous y trompez pas: il n'y aura<br /> point de part dans l'héritage de ce royaume pour les débauchés, les idolâtres, les adultères, les pervers ou les homosexuels,..."<br /> On peut lire beaucoup de versets de ce genre dans la Bible qui parle d'un Dieu qui rejette cette pratique. Vous pouvez également lire Romains 1: 26, 27,28,32.<br /> Est ce que vous savez que la ville de Sodome et Gomorrhe a été détruite par Dieu à cause de leur pêché hors norme? Le mot "sodomie" vient de Sodome... La ville de Sodome était connue pour leurs<br /> pratiques homosexuelles...<br /> Alors, revoyez votre théorie et votre théologie, repentez vous devant le Seigneur et arrêtez au nom de Jésus de tromper les gens en leur disant que Dieu est prêt à tout accepter sans broncher et<br /> sans rien dire. Il est tout de même le Dieu Tout Puissant et le Dieu très SAINT!!!
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D
Bonjour Père,<br /> Je me retrouve, bien que n'étant pas prêtre, dans votre témoignage.<br /> Eu égard au sacrement de confirmation que j'ai reçu en 2009 j'ai décidé de vivre abstinent depuis cette date : j'ai évidemment des phases de tentations et de chutes.<br /> J'ai discerné après de nombreuses chutes et prières que j'étais dans une posture crispée de rejet de ma nature d'être sexué en aspirant à devenir une personne "pure", "indemne de toute tentation de<br /> chair".<br /> Ainsi malgré un souhait sincère de continence, mon obstacle réel (en ce qui me concerne) n'est pas la nature de mon attirance ou sa force mais cette chimérique et orgueilleuse quête de pureté ;<br /> bien qu'on me l'ait répété cent fois en confession (comme quoi cela aura servi à quelque chose ...) j'ai finalement expérimenté cette vérité (merci à l'Esprit-Saint) : il y a en moi une vaine quête<br /> d'asexualité et une volonté de me faire croire que je suis capable d'effacer tout désir.<br /> Aussi dangereux psychiquement qu'inutile et inefficace !<br /> Alors bien sûr je dois rester modeste puisque cela ne fait que trois semaines (donc très récent) que j'ai adopté cette nouvelle attitude envers ma sexualité qui va sans doute m'aider je le pressens<br /> à l'avenir à mois chuter voire plus du tout (en tout cas au jour où je vous écris).<br /> Désormais à chaque fois que me vient une image ou une pensée érotique je la regarde désormais en face sans me mettre la tête dans le sable et je me dis :<br /> "voilà un désir en moi que j'ai accueilli plus ou moins longtemps (de la pensée éclair au scénario carrément délibéré) : que décidé-je ? y répondre ou pas ?"<br /> Et là je réitère mon vœu en toute liberté.<br /> Finalement je pense désormais comprendre ce que des moines affirmaient quand ils disaient que bien que continents ils vivaient leur sexualité : ils la vivent d'abord en l'accueillant (elle est là,<br /> elle existe, elle n'est pas niée) puis en renouvelant leurs vœux ou, à défaut, en s'en souvenant.
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E
Bravo pour ce blog, témoignage magnifique de l'amour de Dieu et de l'amour de l'Homme.Quand je lis le passage ou vous exprimez l’apaisement que vous avez ressenti lorsque vous vous êtes avoué votre<br /> homosexualité dans la prière, je me dis que le Seigneur est vraiment miséricordieux!<br /> Continuez, Bravo.<br /> Élisabeth<br /> ps: Je trouve que le commentaire de Anne est ridicule, pardonnez-moi pour l'expression mais c'est elle qui semble très décalée avec la réalité.
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