Queer and Chast as Folk !

Publié le par Père Jonathan

Je suis un type homo et chaste... bizarre, non ? Même si l'inconscient se dérobe toujours, je voudrais vous partager un peu de cette expérience, en cherchant ce qui vit en moi.

Si vous avez lu Le jour "G" , vous savez donc que jusqu'à un certain âge je refoulais mon homosexualité. Evidemment, dans cette période, j'ai dormi seul tous les soirs de ma vie. Mais quelle horreur, le refoulement : car les désirs cachés se manifestaient autrement, inaccessibles, épuisants, jamais assouvis. J'aurais pu m'y perdre.

Et il y a eu ce jour, dans la prière, où j'ai trouvé des mots pour dire ce désir sexuel en moi, ce désir qui n'était pas celui que j'avais appris à l'école ou au caté... et où j'ai fini par en rendre grâce à Dieu.

J'osais enfin regarder en face et nommer ce qui m'habitait : sexuellement, c'est d'un homme que j'avais envie.

Moment de joie, moment de paix, mais aussi, je le vois maintenant, un peu risqué. J'étais comme un barrage qui cédait après avoir accumulé de l'eau depuis des années. Tout aurait pu être emporté sur son passage, et j'aurais chanté comme Stéphanie de Monaco... "Comme un ouragan qui passait sur moi, l'amour a tout emporté" !

Pourtant, je ne suis pas passé à l'acte. Je n'en ai aucune fierté : je repense à trois amis qui m'ont aidé, qui m'ont écouté, qui m'ont accepté. L'un d'entre eux, homo et qui venait de rompre avec son compagnon, aurait pu profiter de moi. J'en ai eu envie, d'ailleurs, et ça m'a déchiré. Je lui dois beaucoup, et il m'a aidé à reconnaître ce qui était en moi comme un animal sauvage, et à l'apprivoiser : à ne pas en avoir peur comme d'un loup sauvage, mais en faire un chien accroché à sa laisse, qui aboie un peu de temps en temps, mais pas trop. Le pire, le plus dangereux, c'est la peur.

Depuis, j'avance un peu sur le chemin de la sagesse... Il y a des jours où le désir semble trop fort, où des inconnus croisés dans la rue font monter en moi une folie violente. Mais un directeur spirituel m'a appris à refuser un rêve, une tentation : la tentation d'être un petit garçon qui n'aurait pas de sexualité. Il m'a dit que souvent le passage à l'acte venait du refus du désir. Ça m'a paru stupide, au début. Et peu à peu j'ai appris à reconnaître ces deux forces, en moi : il y a l'émotion devant l'autre, imprévisible, inattendue, qui me met hors de moi, qui me révèle que je ne suis pas la source de ma propre vie, de ma propre joie. Et il y a une peur devant cette émotion, qui voudrait la faire disparaître, qui voudrait tout posséder, maîtriser. Et cette peur, si je l'écoute, ne trouverait jamais qu'un moyen pour faire disparaître l'émotion : posséder l'autre, jouir de lui, être l'objet de sa jouissance.

Mais quand je reconnais l'émotion, quand je l'accepte, quand je la nomme, quand je la prie, alors la peur diminue.

Et cette peur, et ces désirs, comportent toujours une part de mensonge. Ils me disent toujours : je suis plus fort que toi. Ou bien ils me parlent en « je », comme si c'était moi qui désirait cela, ce passage à l'acte, cette possession. Mais il y a eu deux rencontres étranges. Deux fois, j'ai rencontré quelqu'un, j'ai eu du désir pour lui... ce désir était partagé et nous le savions. L'autre m'a proposé d'aller plus loin. Et, sans que je sache comment, je lui ai dit non à chaque fois. Sans violence, sans force, avec une voix douce, sans haine, avec une voix tendre. D'une voix que je ne soupçonnais pas en moi, qui n'avait jamais dit qu'elle était là, et qui tranquillement laisser aller l'autre sur son chemin, et moi sur le mien de célibat consacré.

La chasteté, pour moi, elle est là, dans cette surprise qui est survenue dans des moments vrais, alors que les images de mes fantasmes rêvaient et racontaient toute autre chose. Et puis elle se vérifie dans le reste de ma vie : visiblement, le célibat ne me rend pas fou, je suis heureux de vivre, et reconnu comme tel ! Mais d'où vient-elle, cette chasteté ?

Je n'en sais rien ! Elle est dans la démaîtrise, alors je n'ai pas de recette, ni pour moi, ni pour un autre. Pourtant, j'ai toujours deux souvenirs. Ce jour où, très ému par la contemplation du Christ qui parcourait le pays au milieu de son peuple, j'ai été pris du désir de le suivre, et j'ai enfin dit oui à ce désir d'être prêtre. C'était, au sens propre, un coup de foudre. Les années ont passé, « la pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et se sont déchaînés contre cette maison, et elle n'a pas croulé : c'est qu'elle avait été fondée sur le roc. » (Mt 7, 25)

Et puis il y a eu cette retraite, pendant le séminaire, où j'ai prié avec les images de la Passion. J'ai pris la place des bourreaux, et j'ai accepté vraiment ce que le Seigneur m'offrait là. Je lui ai fait ce que j'ai voulu. Je l'ai livré à mes passions. Et lui, il traversait cela, sans haine et sans possession, sans plaisir et sans cris. Un amour véritable, qui ne jouait pas à me posséder, qui ne jouait pas avec moi, qui n'attendait rien de moi en retour. De sa chasteté à lui, de sa manière de s'offrir à ses bourreaux, j'ai reçu aussi une purification de mes passions.

Quand je célèbre l'eucharistie, parfois, je repense à tout cela. Et j'accueille mon Seigneur qui se donne à son Eglise, corporellement, comme une nourriture... mais sous une forme dont tout plaisir est absent : un peu de pain qui n'a pas eu le temps de lever. Amour total, don corporel, mais absence de sensation. Véritable ascèse, dont je suis loin d'avoir encore fait le tour.

Il y a ces grâces, et puis il y a le soin que je prends, un peu, de moi-même. Dans ma vie, je veille à avoir de l'amour et du plaisir ! Des vrais amis, des frères, avec qui on partage tout, on se soutient, on se conseille... Un travail où, dans certaines rencontres, je me surprend de l'aide que j'arrive à donner à quelqu'un... Du plaisir, avec de la musique, quelques bons repas de temps en temps, du sport souvent... Si je vivais sans mon corps et sans amis, je serais tenté de chercher ailleurs, certainement.

Je conclus avec ce mot de la mère de Napoléon qu'on interrogeait sur les succès militaires de son fils, et qui répondait avec son accent corse, sans se laisser impressionner : « Pourvou que ça doure ! »

Publié dans Moi

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D
Oui, je comprends, c'est l'Appel, une histoire d'amour sans le sexe, d'autres prêtres m'en ont parlé. Je vous souhaite de vivre votre chasteté le plus paisiblement possible.<br /> <br /> J'ai reçu une éducation religieuse très basique (jusqu'au catéchisme, mes parents m'ayant donné la liberté de ne pas poursuivre... et les nombreuses contradictions de l'Eglise m'ont détourné de la<br /> foi, bien que je reste ouvert et me pose souvent des questions).<br /> <br /> Je retiens toutefois le Message de solidarité réciproque et de bienveillance. Mais depuis quelques jours que je butine sur votre blog j'y trouve une aide inespérée dans la "gestion" de mes<br /> orientations homo, une paix que je n'arrive pas à préciser ni à qualifier. Le plaisir de regarder un bel homme dans la rue est toujours là, mais point d'angoisse, je ne me sens plus en<br /> porte-à-faux.<br /> <br /> "Oeuvre de l'Esprit Saint" me disais-je avec un sourire hier ... En tout cas merci, et je reviendrai souvent me nourrir de ce bien-être indéfini qui me surprend... :)
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D
Bonsoir mon Père,<br /> <br /> Encore moi, je célèbre la découverte de ce blog avec la question que je pas osé vous poser. Peur de vous paraître impertinent ou désinvolte. Peur d'aborder un sujet déjà traité dans d'autres<br /> textes, puisque je n'ai pas encore tout lu. Mais va pour cette question qui me taraude, avec mon plus grand respect et un peu de naïveté : pourquoi, en 2012, les prêtres doivent rester chastes<br /> ???<br /> <br /> Pourquoi ne pas célébrer justement la jouissance de ce corps, assouvir le besoin d'amour hétéro ou homo, peu importe tant qu'il soit sincère.<br /> <br /> Pourquoi cette débauche d'énergie pour atteindre et réussir cet état de chasteté ? (En effet, d'un point de vue psychodynamique, refouler un besoin naturel coûte de l'énergie psychique, un peu<br /> comme si l'on voulait retenir un glaçon sous la surface de l'eau, tôt ou tard, l'eau va déborder... ).<br /> <br /> Si je me souviens bien de mes cours d'Histoire, la chasteté a été imposée pour freiner les débauches libertines du clergé (Grégoire VII, réforme grégorienne entamée par celui-ci), pour imposer un<br /> certain respect et autorité mystique. Ils faisaient déjà bien la com au moyen âge...<br /> <br /> Et pourtant, les églises se vident. Et pourtant... des prêtes "cool", factuels, pragmatiques et sains ont un rôle social structurant majeur.<br /> Merci encore, et pardon par avance pour ma question un peu iconoclaste.<br /> <br /> Bien amicalement,<br /> David
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P
<br /> <br /> Bonjour David,<br /> <br /> <br /> quasiment depuis les débuts de l'Eglise, certains chrétiens ont senti l'appel à être célibataires à l'exemple du Christ. Et quand ils en ont la vocation, ils le vivent de manière plutôt paisible<br /> ! Ce qui ne veut pas dire que l'Eglise ne doive appeler que des célibataires à l'ordination : dans les rites orientaux de l'Eglise catholique, on ordonne des hommes mariés.<br /> <br /> <br /> <br />
D
Merci mon Père, vous montrez le chemin. Peut-être le faites-vous au delà de votre imagination.<br /> <br /> Marié et père de famille, j'aime ma femme. J'ai pourtant vécu des années de tourmente: comment concilier l'amour pour ma femme avec mon autre "pulsion de vie" : le désir homosexuel, le besoin de<br /> tendresse masculine ? Je parle bien de tendresse, sans utiliser le mot comme un euphémisme. Le bannissement de mes pulsions homosexuelles tarissait ma libido, avec l'effet d'une castration<br /> psychique (ce que vous décrivez comme "la tentation de redevenir un petit garçon..."). Quelle injustice pour mon épouse !<br /> <br /> Mais, quelle belle surprise lorsque j'ai accepté, non seulement les fantasmes, mais passé à l'acte et vécu une amitié amoureuse avec un homme marié bisexuel comme moi. Grâce à cette amitié<br /> amoureuse, je ne me suis jamais senti plus heureux et équilibré et en harmonie totale avec ma femme. Plus amoureux, plus disponible !!!<br /> <br /> J'ai en effet découvert que si je pouvais me passer de sexe homo, le besoin de tendresse homo était vital, structurant.<br /> <br /> Paradoxalement, cette conduite fait une entorse sérieuse à la morale de notre société, à notre "formatage social".<br /> <br /> En conséquence, la contradiction, des sentiments de culpabilité conduisent beaucoup d'hommes mariés au déni et à se lancer dans des rencontres anonymes à répétition, multipliant les risques<br /> sanitaires au niveau individuel et collectif, ce qui constitue actuellement un problème de santé publique majeur.<br /> <br /> Et pourtant... être bisexuel et aimer deux êtres uniques et différents fait probablement partie de ce que l'on appelle biodiversité. Je parle d'amour, effectivement. Malgré les défauts<br /> méthodologiques des études de Kinsey, un nombre considérable de pères de famille éprouvent les mêmes besoins affectifs et d'autres études sérieuses plus récentes confirment la notion de<br /> bisexualité, avec une prévalence toutefois moins importance que celle annoncée par Kinsey.<br /> <br /> Vous parlez de foi, je parle de faits scientifiques et je pense qu'avec vous le dialogue pourrait être constructif.<br /> <br /> C'est drôle et triste à la fois : j'ai perdu un de mes meilleurs amis lorsque il a tout quitté (copine, études...) pour devenir séminariste et j'ai tout quitté pour le "sacerdoce scientifique". A<br /> partir de ce moment-là, nos conversations devinrent un dialogue de sourds.<br /> <br /> Merci encore pour votre blog exceptionnel, dans le sens le plus profond du terme, pour vos lumières nuancées, pour votre poésie. Bravo ! :)
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J
Votre texte est super<br /> Je continue à découvrir votre blog<br /> et vous dis bravo pour votre choix, votre humour aussi et surtout votre vérité<br /> je vous ai mis un mail en contact.<br /> Michèle
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P
<br /> <br /> Bonjour Michèle,<br /> <br /> <br /> je rouvre mon blog après l'avoir laissé en jachère pendant l'été. Merci pour votre message !<br /> <br /> <br /> + Jonathan.<br /> <br /> <br /> <br />
I
<br /> son secret pour rester chaste si je ne me trompe c'est 1er l'adoration eucharistique et 2) les sacrements Est ce que je me trompe père ?. pour ma part en tant que gay chrétiens et chaste mon<br /> troisième ''secret ''en plus des 2 premier c'est le rosaire .<br /> <br /> <br />
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P
<br /> <br /> Merci Ivan.<br /> <br /> <br /> disons plutôt la prière personnelle, qu'elle soit devant le saint sacrement ou, comme le dit l'Evangile, "dans ma chambre en ayant fermé la porte", le lieu n'est pas l'essentiel.<br /> <br /> <br /> <br />