Prêtres pédophiles, prêtres homosexuels : l'enquête de référence

Publié le par Père Jonathan

80% des victimes des prêtres pédophiles aux USA étaient de sexe masculin. Faut-il en conclure que leurs agresseurs étaient homosexuels ? Je traduis un article du P. James MARTIN sj, dans la revue America, qui commente les conclusions de l'enquête menée (aux frais de l'Eglise catholique) par la plus grande université de criminologie des USA.

 

Rapport John Jay : ne pas faire porter la responsabilité aux prêtres homosexuels.

17 mai 2011,

P. James Martin SJ

http://www.americamagazine.org/blog/entry.cfm?entry_id=4229

 

Dans le récent rapport John Jay sur les "causes et contextes" de la crise des abus sexuels dans l'Eglise catholique, on lit une découverte qui surprendra sans doute beaucoup d'observateurs. [Le journaliste] David Gibson l'exprime ainsi sur Religion News Service :

 

Les chercheurs n'ont trouvé aucune preuve statistique que la probabilité d'abuser d'un mineur était plus forte pour les prêtres gays que pour les prêtres hétéros - cette découverte sape un sujet de discussion fréquent chez les catholiques conservateurs. D'après ce rapport, la disproportion numérique des victimes adolescentes masculines provient de l'occasion, pas de l'orientation sexuelle, établit ce rapport. De plus, les chercheurs ont noté que l'augmentation du nombre de prêtres gay à partit de la fin des années 70 correspondait en fait à une "diminution de l'incidence des abus, et pas une augmentation de l'incidence."

 

Comment cela se fait-il, alors qu'on connaît le stéréotype largement répandu du prêtre homosexuel prédateur ou abuseur ? Comment expliquer autrement qu'il y ait tant de victimes masculines de abus ?

 

Avant tout, quasiment tous les psychologues et psychiatres réputés, sans compter quasiment toutes les études scientifiques, rejettent catégoriquement la confusion de l'homosexualité avec la pédophilie, ainsi qu'une relation de cause à effet. Il y a trop d'études pour les mentionner ici. La pédophilie, selon les experts, est souvent davantage une question d'une sexualité médusée (ou bloquée), davantage une question de pouvoir, et davantage une question de proximité (ainsi que d'autres facteurs compliqués psychologiques et sociaux). La nouvelle étude du Collège John Jay de Justice Criminelle, intitulé "Les causes et le contexte des abus sexuels de mineurs par des prêtres catholiques aux USA, 1950-2010", indique, parmi d'autres raisons : l'entrée au séminaire d'hommes émotionnellement immatures et psychologiquement mal-ajustés ; la difficulté de gérer le bouleversement culturel dans lequel les prêtres se sont trouvés dans les années 60 et 70 ; et aussi, encore, la question de la proximité : si ce sont de jeunes hommes et garçons qui ont été abusés, c'est parce que c'était avec eux que les prêtres avaient le plus de probabilité de travailler, plutôt qu'avec des jeunes femmes et filles. Mais, pour le dire simplement, être un prêtre homosexuel ne fait pas de vous un prêtre abuseur.

 

De fait, la Conférence des USA des évêques catholiques a chargé le College John Jay de mener une autres étude indépendante et coûteuse dans le sillage de la crise américaine des abus en 2002. En 2009, Margareth Smith, une chercheuse de John Jay, a expliqué aux évêques que : "Ce que nous suggérons est que la question de l'identité sexuelle doit être séparée du problème des abus sexuels. Au point où nous en sommes, nous ne trouvons pas de rapport entre l'identité homoseuxelle et une augementation de la probabilité des abus, à partir des données que nous avons maintenant."

 

Deuxièmement, il y a un argument encore plus fort pour s'opposer à la confusion de l'homosexualité et de la pédophilie : l'expérience vécue par des hommes (et femmes) gays, émotionnellement mûrs et psychologiquement sains, qui n'ont jamais, absolument jamais, abusé un enfant ; qui ne sont pas tentés de le faire ; qui ne sont pas du tout attirés par les enfants ; et à qui, pour résumer, cela ne vient jamais à l'idée. Être gay ne fait pas de quelqu'un un pédophile.

 

Cette découverte, je crois, est connue d'évêques sérieux, de responsables ecclésiaux expérimentés et de responsables chevronnés du Vatican. C'est une des raisons pour lesquelles le Révérend Marcus Stock, secrétaire générale de la Conférence des Evêques Catholiques d'Angleterre et du Pays de Galles, a publié une déclaration qui disait : "Pour ce que j'en sais, il n'y a pas de données empiriques qui conclue que l'orientation sexuelle serait connectée à l'abus sexuel d'enfants. Le consensus parmi les chercheurs est que l'abus sexuel d'enfants n'est pas une question d' "orientation" sexuelle, qu'elle soit hétéro- ou homosexuelle, mais d'une attraction désordonnée ou fixation."

 

Pourtant, malgré les conclusions du nouveau rapport John Jay, et les mises en gardes de professionnels de la psychologie contre la confusion entre pédophilie et homosexualité, certains, à l'intérieur comme à l'extérieur de l'Eglise, auront encore du mal à accepter cette nouvelle étude. Si ces conclusions étaient vraies, demanderaient-ils, pourquoi est-ce que tant de victimes ne sont pas seulement de jeunes garçons mais des adolescents mâles ? Unef ois encore, les chercheurs ont toujours suggéré que cela vient plutôt d'un tourbillon de raisons, parmi lesquelles la proximité : beaucoup de prêtres autrefois était chargés de s'occuper de garçons. Dans les écoles et les bâtiments des paroisses, les bonnes soeurs s'occupaient des filles ; les prêtres des garçons.

 

Il y avait certainement, parmi les abuseurs, des prêtres homosexuels, de même qu'il y avait des abuseurs hétérosexuels. (Cela devrait être évident pour quiconque a suivi cette terrible saga depuis 2002.) Mais, cette nouvelle étude le montre, la grande majorité des prêtres homosexuels (et des prêtres hétérosexuels) n'a jamais abusé personne. De fait, l'augmentation du nombre de prêtres homosexuels coincide avec une diminution du nombre de abus. Alors d'où vient ce cliché du prêtre homosexuel abuseur ? C'est ici que la situation se complexifie.

 

Si beaucoup persistent à croire que l'homosexualité est la cause fondamentale de la crise des abus, et que les prêtres homosexuels sont en général pédophiles, c'est avant tout parce qu'il n'y a quasiment pas de modèle "public" de prêtres homosexuels sains, mûrs, attachés au célibat, pour combattre ce cliché. Un article dans America en 2000 en avait examiné les raisons.

 

Dans le clergé catholique, il y a, et il y a toujours eu, des prêtres homosexuels célibataires, et des religieux homosexuels chastes. Qu'est-ce que j'en sais ? Eh bien, comme beaucoup de prêtres, j'en ai connu un certain nombre. Ils sont mûrs émotionnellement, sains psychologiquement, dans un amour authentique, et ceux dont ils s'occupent les adorent. Ils travaillent dur pour le cmopte du "Peuple de Dieu", et ils n'ont jamais abusé le moindre enfant. Beaucoup de ces hommes sont parmi les personnes les plus saintes que je connaisse. Certains d'entre eux sont, pour moi, des saints. Et je répète, pour que ce soit clair : ils sont célibataires. Ou, dans les congrégations religieuses, ils sont chastes. (Soit dit en passant, quand on utilise le mot "prêtre gay" cela déclenche les sirènes d'alarmes dans certains endroits de l'église, où l'on croit que "gay" signifie sexuellement actif.)

 

Certains de ces hommes ne révèlent leur orientation qu'à de proches amis, à leurs confesseurs ou à leurs accompagnateurs spirituels. Les raisons de leur silence sont faciles à identifier, même si ce n'est pas toujours facile à comprendre pour le grand public.

 

D'abord, ces prêtres peuvent avoir peur de la réaction de leurs paroissiens, surtout si ils vivent dans une paroisse où l'homophobie foisonne. Deuxièmement, il peuvent avoir l'impression, non sans raison, qu'une déclaration publique donnerait plus d'importance au prêtre qu'à son ministère et, ainsi, serait une distraction et même une cause de division sérieuse dans la paroisse. Troisièmement, ils peuvent avoir peur de représailles ou de punission par des évêques ou supérieurs religieux moins que compréhensifs. Quatrièmement, ils peuvent être incapables de le faire, ou ne le voulant pas, pour des tas de raisons personnelles. (Par example, il peut y avoir une génération où on ne pouvait pas encore parler simplement de sexualité, ou il peuvent être encore profondément gênés par leur orientation, malgré leur célibat et leur chasteté.) Et, dans le sillage de la crise des abus, quand certains commentateurs ont relié homosexualité et pédophilie, cela a intensifié certaines de leurs peurs. Finalement, certains évêques ou supérieurs religieux, par crainte de la publicité, ont pu interdire explicitement à des prêtres de parler publiquement de leur orientation.

 

Une partie de cela est venue à ébullition quand est parue la lettre du Vatican de 2004, achevée après une longue "visite" du Vatican des séminaires des USA dans le sillage de la crise des abus. Le document "Instruction concernant les critères de dsicernement de vocation des personnes avec des tendances homosexuelles en vue de leur admission au séminaire et aux ordres divins" déclarait que les hommes avec des "tendances homosexuelles profondément enracinées" ne pouvait pas être admises au sacerdoce.

 

Depuis, le document a été interprété de diverses manières dans les séminaires diocésains et dans les programmes de formation des ordres religieux, au moins d'après ce que m'ont dit des officiels ces dernières années. L'an dernier un séminariste diocésain m'a écrit que dans son séminaire la politique était "ne le dit pas à tes frères", alors que dans d'autres séminaires, on peut se faire exclure si on reconnaît son homosexualité - c'est ce qu'on m'a dit. Inversement, certains évêques et supérieurs d'ordres religieux, reconnaissant la contribution apportée dans l'histoire par des prêtres gays célibataires, ont interprété le document pour dire que "tendances profondément enracinées" signifiait l'incapacité à vivre le célibat. Donc, si un homme gay ressent un appel authentique au sacerdoce, est affectivement mûr et est capable de vivre une vie de célibat, il peut être ordnné. Une des approches les plus pastorales set venue de Timothy Dolan, archévêque de New-York, qui a dit avec sagesse lorsque le document est paru qu'un homme qui est homosexuel et ressent une vocation de prêtre "ne devrait pas être découragé." D'autres évêques et supérieurs religieux - même si c'est évidemment difficile de savoir combien - ont adopté des approches similaires.

 

Toutefois, la peur persiste chez beaucoup de prêtres homosexuels célibataires. Il n'y a pas longtemps, un prêtre chevronné avec de nombreuses années dans le ministère paroissial m'a dit que la seule manière pour que les choses changent serait que tous les prêtres homosexuels décident de faire le même dimanche leur "coming out" auprès de leurs paroisses. Mais c'est hautement improbable : en plus des raisons exposées ci-dessus, les liens qui unissent ces hommes sont d'habitude au niveau local, et plutôt informels. Néanmoins, quelque chose de cet ordre pourrait servir comme "moment d'enseignement" pour toute l'église. D'un autre côté, de nombreux paroissiens catholiques n'ignorent pas ce fait : il est probable qu'ils savent que certains de leurs prêtres sont homosexuels, et tant qu'il sont célibataires et affectueux et généreux et priants, les paroissients les acceptent, et d'habitude ils leurs sont reconnaissants. L'histoire édifiante du Révérend Fred Daley, d'Utica (état de New York), en est un exemple.

 

La plupart des Catholiques - la plupart des évêques et archévêques inclus - savent déjà tout cela. Le nouveau rapport John Jay ne fera que confirmer leur manière d'accepter le clergé célibataire homosexuel avec qui ils ont travaillé au long des années. Ils savent que l'homosexualité et la pédophilie ne sont pas la même chose. (C'est peut-être pourquoi le Pape Benoît XVI lui-même, lors de son voyage vers les USA pour sa visite de 2008, avait répondu ainsi à la question de la crise des abus : "Je ne sohaite pas parler d'homosexualité, mais de pédophilie, qui est une chose différente.") Ils savent aussi qu'il y a beaucoup d'hommes homosexuels célibataires dans le clergé, et des hommes chastes dans les ordres religieux, qui n'ont jamais abusé de personne et qui, de plus, mènent des vies généreuses, dévouées, et même saintes.

 

James MARTIN SJ.

Publié dans Eglise

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A
Je ne comprends pas trop.<br /> Un pretre catholique par définition est célibataire et n'a pas droit au coït (à moins que je me trompe).<br /> Dès lors à quoi sert de préciser qu'il soit hétéro ou homo, du moment il n'a pas droit à une femme ou un homme ?<br /> <br /> Qu'on m'explique.<br /> <br /> Merci
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