Pour le mariage gay, au nom de la foi chrétienne

Publié le par Père Jonathan

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Si j'avais écrit sur ce sujet pendant ma première année de séminaire, j'aurais sans doute écrit "contre le mariage gay, au nom de la foi chrétienne." Mais aujourd'hui, devenu prêtre, ayant découvert et accepté mon homosexualité, étant bien mieux formé dans la tradition chrétienne, je défendrai la position contraire.

 

Si j'avais écrit contre le mariage gay, j'aurais utilisé deux arguments :

- les relations homosexuelles sont contre-nature (ou, pour le dire en langage non codé, le pénis ne pénètre pas le corps du partenaire au bon endroit !)

- les relations homosexuelles ne sont pas ouvertes à la vie (ou, pour le dire clairement : un rapport homosexuel ne conduit pas à la conception d'un enfant.)

 

Evidemment, ce que j'aurais écrit aurait été faux... et comme tout mensonge, aurait bien ressemblé à la vérité. Car prises isolément, ces deux phrases semblent défendables... mais elles ne tiennent que si on les isole du reste de la doctrine chrétienne.

 

Car mon argument essentiel, aujourd'hui, le voici : depuis quand, en christianisme, le sens et la valeur d'une vie se mesurent-ils aux orifices que l'on pénètre de son pénis, et au nombre d'enfants que l'on engendre ?

 

S'il y a bien une évidence, dans la Bible comme dans la Tradition de l'Eglise, c'est que le sens de la vie chrétienne relativise radicalement ces deux critères ! Comment comprendre, sinon, que l'Eglise tolère que des chrétiens restent célibataires ? Comment comprendre, sinon, que l'Eglise accepte de célébrer le mariage de couples stériles (pour des raisons médicales ou à cause d'un âge avancé) ?

 

Le sens de la vie chrétienne, c'est de s'engager par la parole en réponse à une parole qui nous interpelle. Le christianisme n'est pas une religion de la biologie, mais du corps-qui-écoute-et-qui-parle. C'est une religion de la parole incarnée. "Et le Verbe s'est fait chair. Et il a demeuré parmi nous."

 

Déjà, les récits de la création au début de la Genèse diffèrent de tant d'autres récits antiques : Dieu n'y crée pas avec ses mains comme un artisan, ni en s'unissant sexuellement à une déesse, mais en parlant. "Dieu dit : que la lumière soit ! Et la lumière fut."

 

Initiant les temps du salut, Marie ne conçut pas Jésus par l'acte sexuel : l'Evangile comme la Tradition attestent que, comme le chantait saint Ephrem au IVème siècle, "Marie conçut par l'oreille".

Retournement radical : ce qui donne la vie à Jésus, et par là à tout enfant humain, ce n'est pas l'acte sexuel, c'est la parole écoutée, reçue, et donnée en retour.

 

C'est, profondément, de là que vient l'insistance de l'Eglise sur le mariage : ce qui fait le couple, ce n'est pas l'acte sexuel, ce n'est pas la vie commune, ce n'est pas le partage des biens, ce n'est pas l'enfantement, ce n'est pas le désir des parents - C'est la parole librement échangée publiquement entre l'homme et la femme. "Veux-tu être mon épouse ? Oui, je le veux. Et toi, veux-tu être mon époux ? Oui, je le veux."

Parole qui fait le mariage, qu'il soit appelé à donner naissance à des enfants, ou que l'impossibilité soit déjà constatée.

 

Ce caractère fondateur de la Parole fait que différentes vocations sont possibles dans l'Eglise : seuls certains s'engagent dans le mariage ; mais tous sont appelés à s'engager par la Parole. Tous les états de vie "consacrés" (célibataires), dans la diversité de leurs normes et de leurs rites, sont marqués par cet engagement public, par la Parole, en réponse à un appel. Qu'il s'agisse des prêtres, des soeurs, des vierges consacrées, des moines, etc... tous prennnent leur engagement de l'unique manière chrétienne, qu'ils partagent exactement avec les couples mariés : par la parole publique.

 

S'il y a une chose qui "manque" aux couples homosexuels aujourd'hui, c'est bien cela. Si leurs rapports sexuels peuvent (le faut-il ?) être qualifiés de désordonnés, c'est bien pour cela : c'est que leur vie commune ne peut pas se fonder dans une parole échangée publiquement.

On tolère leur vie sexuelle (depuis la dépénalisation de la sodomie au début des années Mitterrand), on facilite la mise en commun de leurs biens et de leurs impôts (depuis le PACS), on tolère (ou encourage ?) leur apparition dans les médias, on recherche (de manière parfois inquisitoriale) leur présence chez les "people", on soutient les fêtes genre Gay-Pride (pourvu qu'y défilent surtout des personnes portant string ou boa, et pas trop de gens d'apparence banale)... mais on leur refuse ce qui fait l'humanité, selon l'anthropologie chrétienne :

de fonder leur relation dans une parole où chacun répond à l'appel de l'autre, s'engage, prend à témoin ses concitoyens, s'engage en s'appuyant sur la force de la Loi pour que son engagement survive à l'usure du temps et à l'évolution des sentiments... de devenir, avant tout, un couple où l'un et l'autre se soutiennent par une parole vraie, incarnée, fragile... et image de la relation trinitaire.

 

Voilà pourquoi j'espère voir rapidement légaliser le mariage homosexuel en France... (restera à réfléchir sur l'homoparentalité mais, à mon avis, ce n'est pas la même question).

 

Quant à l'Eglise, il me reste une question : lorsque, avec le temps, des couples homosexuels chrétiens auront vécu dans la durée, la fidélité, le soutien mutuel, pendant des dizaines d'années ; lorsqu'ils auront fondé des mouvements de spiriutalité conjugale genre "Equipes Notre-Dame LGBT" pour appronfondir l'écoute et la parole entre eux, avec le "devoir de s'asseoir" etc ; lorsque la parole qui les unit aura, peu à peu, trouvé sa source et son achèvement dans la méditation de la Parole de Dieu ; lorsqu'ils seront devenus membres à part entière des communautés paroissiales... sous quelle forme l'Eglise célèbrera-t-elle leurs unions ?

Dira-t-on que, finalement, c'est la même chose que le sacrement du mariage "hétéro"... vu qu'on le donne déjà aux couples stériles, on pourrait aller jusque là ?

Dira-t-on que, finalement, mieux vaut inventer une autre forme de célébration, de même que pour le célibat consacré on dispose de tant de types de cérémonies différentes (voeux, promesses, ordinations - certaines sacramentelles, d'autres pas) ?

 

Patience, on verra bien !

 

(Comme d'habitude, les commentaires sont les bienvenus, pourvu qu'ils restent courtois et polis)

Publié dans Eglise

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S
Genesis 2:24 -- Matthieu 19:5 -- Marc 10:7 -- Éphésiens 5:31<br /> La Parole De Dieu, Yahvé Le Verb Jesus Le Christ et Dieu, Nôtre Pêre, Êlyon est claire, et toi le menteur.<br /> Fin de discussion, l'enfer t'attend bientôt.<br /> La Bible de Jérusalem<br /> <br /> <br /> Psaumes, chapitre 91<br /> <br /> Ps 91:1- Qui habite le secret d'Elyôn passe la nuit à l'ombre de Shaddaï,<br /> Ps 91:2- disant à Yahvé Mon abri, ma forteresse, mon Dieu sur qui je compte!<br /> Ps 91:3- C'est lui qui t'arrache au filet de l'oiseleur qui s'affaire à détruire;<br /> Ps 91:4- il te couvre de ses ailes, tu as sous son pennage un abri. Armure et bouclier, sa vérité.<br /> Ps 91:5- Tu ne craindras ni les terreurs de la nuit, ni la flèche qui vole de jour,<br /> Ps 91:6- ni la peste qui marche en la ténèbre, ni le fléau qui dévaste à midi.<br /> Ps 91:7- Qu'il en tombe mille à tes côtés et 10.000 à ta droite, toi, tu restes hors d'atteinte.<br /> Ps 91:8- Il suffit que tes yeux regardent, tu verras le salaire des impies,<br /> Ps 91:9- toi qui dis : Yahvé mon abri! et qui fais d'Elyôn ton refuge.
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E
Bonjour Père Jonathan<br /> Merci pour vos paroles qui me réchauffent.<br /> En tant que femme, lesbienne et... célibataire, je ne comprends absolument pas où est ma place dans l'Eglise. Même issue d'une famille catho pratiquante, avec un frère prêtre, un frère père de 5<br /> enfants qui a fait les manifs des anti, un frère stérile et marié qui a adopté une petite thailandaise, un frère père de 4 enfants (conçus avec une femme) mais qui vit désormais avec un homme, une<br /> soeur hétéro mais célibataire, un frère hétéro et marié mais pas à l'église car il est athée.... ma famille est très diverse mais ça ne fait pas changer d'un poil le regard de mon frère "anti".<br /> Mais quand vous, les prêtres, ne parlez que du mariage (enfin, du couple, homo ou hétéro) OU du célibat consacré, avec une survalorisation du rôle du prêtre, je me dis, moi, je suis où ???? je sers<br /> à quoi ??? Comme ma soeur, à m'occuper de nos vieux parents, de notre frère prêtre et de nos neveux ? Une vie de "service" auprès de ceux qui eux, sont dans la norme ?<br /> Nan, je veux croire que Dieu, avec les talents artistiques et les qualités humaines et intellectuelles qu'il m'a données, attend autre chose de moi. Mais l'Eglise ne me renseigne pas.
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G
Ce que dit l'Eglise : accueillir et aimer les personnes homosexuelles, mais ne pas encourager l'homosexualité. Trouver les raisons ici :<br /> <br /> http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_con_cfaith_doc_20030731_homosexual-unions_fr.html
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S
Courage, merci au Père Jonathan<br /> Je n'étais pas favorable au mariage en ne comprenant pas ce désir de normalisation des homosexuels, en vérité je les trouvais "lâcheurs", étant moi-même célibataire vivant pleinement le célibat<br /> sans désir d'enfant donc dans une situation jugée anormale, et me jugeant pendant longtemps moi-même défaillante par rapport à cette norme. J'aurai préféré que les discussions se fassent sur le<br /> pouvoir tyrannique de la norme "mariage hétérosexuel et enfant" et qu'on ouvre à la différence plutôt qu'on ne renforce la norme en voulant y entrer. Vu les réactions, les justifications bibliques<br /> pour exclure j'ai pris conscience que le chemin pour avancer était celui du mariage pour les couples qui le désirent.<br /> Je remercie ceux qui m'ont fait avancer dans ma réflexion et ceux qui d'avance me permettont encore de la creuser. Cordialement
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S
@Samuel<br /> en quoi le fait de dire ce que dit l'Eglise serait-il homophobe ?...Ce terme d'homophobie a été inventé pour paralyser ceux qui disent la vérité sur l'homosexualité. L'Eglise dit bien que l'homme<br /> et la femme ne feront qu'une seule chair, et jamais que deux hommes ou deux femmes puissent le faire. Moi ce qui me dégoûte, c'est utiliser la mauvaise foi et essayer d'insulter. De plus, c'est<br /> ridicule.
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